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Joël Bellassen : apprécier le chinois par la Fête des caractères chinois

le Quotidien du Peuple en ligne | 26.09.2019 14h11

Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il avait appris le chinois, Joël Bellassen a souri au téléphone. Selon lui, il aurait déjà répondu à la même question environ 15 000 fois dans sa vie, à peu près trois à quatre fois par semaine en moyenne.

En effet, il y a exactement 50 ans, en 1969, que le jeune Joël Bellassen a commencé à étudier la langue chinoise à Paris. Aujourd'hui, « Pourquoi avez-vous appris le chinois ? » est devenu pour lui une question normale mais tout aussi particulière. Comme il l'a dit lui-même, s'il avait au début fait un choix différent, personne ne lui poserait pareille question aujourd'hui. C'est ainsi que la vraie question à laquelle il veut répondre est plutôt celle-ci : pourquoi autant de gens lui ont demandé « Pourquoi avez-vous appris le chinois? »

Joël Bellassen

Une culture distante

Joël Bellassen a répondu à cette question dans son livre publié en chinois Wo de 70 yinji. Selon lui, il a fait du chinois parce qu'il croyait que c'était un endroit où les autres n'allaient pas. « Un choix très particulier. C'est précisément parce que le chinois est une langue, une écriture et une culture distante que j'ai voulu y aller. C'est un peu paradoxal, mais en ce qui me concerne, la distance a été probablement le moteur et la motivation la plus importante ».

Au sujet de ses impressions sur la Chine, Joël Bellassen a exprimé une certaine prudence comme la plupart des sinologues, tout en citant une anecdote : « Nous nous croyons à une phrase que quelqu'un m'a dit un jour : quand on va une semaine en Chine, on écrit un livre ; quand on y va deux mois, on écrit un article ; quand on y va plus longtemps, on n'écrit pas et commence à réfléchir ». Évidemment, il fait partie de la troisième sorte.

De toute façon, s'il faut synthétiser la Chine en général, et Joël Bellassen souhaite reprendre la phrase d'André Malraux : « C'est l'autre pôle de l'expérience humaine ». Ici, « l'autre pôle » ne veut certainement pas suggérer que l'Europe et l'Asie représentent le monde entier. Aux yeux de Joël Bellassen, la Chine évoque une culture particulière où le concept de personne individuelle n'a pas encore émergé. « En Europe, le concept de personne est né avec la philosophie grecque il y a 2 000 ans. En Chine, et peut-être aussi dans certaines cultures asiatiques, ce concept n'est pas totalement construit », a-t-il souligné. Cependant, il convient qu'à certaines périodes historiques le concept de personne a commencé à apparaître en Chine, mais n'est pas vraiment fondé aujourd'hui.

Joël Bellassen est déjà parti à la retraite de son poste principal, inspecteur général de chinois au ministère français de l'éducation nationale, le 1er janvier 2016, mais il continue d'être directeur de recherche et directeur de thèse associé à l'INALCO. De plus, il est aussi président de trois associations : l'Association européenne de l'enseignement du chinois, l'Association française des enseignants en chinois et l'Association de la fête des caractères chinois. La troisième association, la plus petite, est devenue le « chouchou » de Bellassen, puisque cette association est le principal organisateur de la Fête des caractères chinois, un événement qui s'est terminé tout récemment le 14 septembre à Paris en ayant fait beaucoup de bruit.

La Fête des caractères chinois

Cette année, la Fête des caractères chinois a été de dimensions plutôt petites, mais a obtenu un très grand succès. Joël Bellassen en est très fier, mais son ambition ne se limite pas là. Il attend une fête beaucoup plus grande, mais il a toutefois rappelé que « Le but de la fête, ce n'est pas la promotion de la langue chinoise, mais de créer une fête grand public. Je veux que tous les ans -les Parisiens et les Parisiennes, des petits enfants jusqu'aux vieilles personnes- tout le monde puisse s'approcher au plus près de caractères chinois ». Cette année, la Fête des caractères chinois a réussi à s'intégrer dans le cadre de l'organisation du Centre culturel de Chine à Paris, de la mairie du 13e arrondissement de Paris et la Maison de la culture du Japon, ce qui prouve l'attractivité des caractères chinois auprès du grand public français.

Selon l'idée de Joël Bellassen, chaque édition de la Fête des caractères chinois devrait se concentrer sur deux à cinq caractères -pas plus- pour exploiter toutes les dimensions des caractères chinois. Même si la grande majorité des Français ne connaissent pas cette langue, « cela n'est pas grave » pour Joël Bellassen. Selon lui, les caractères chinois, sous leur forme et leur dimension esthétique, symbolique et ludique, ou même sous forme de jeux, pourraient se détacher de la langue chinoise pour dégager leur singularité.

La méthode Bellassen : « primauté au caractère »

L'importance accordée aux caractères chinois est en fait basée sur la méthode Bellassen qui valorise la primauté du caractère. Les idées de Joël Bellassen sont connues en Chine, notamment dans le domaine de la discipline de l'enseignement du chinois en langue étrangère. Sa méthode a reçu nombre de soutiens de linguistes chinois parmi les meilleurs comme Lu Jianming, mais elle reste minoritaire par rapport au courant majoritaire de l'enseignement du chinois en langue étrangère.

Joël Bellassen a ainsi expliqué que « Le courant majoritaire en Chine pour le chinois en langue étrangère -très occidentalisé, c'est-à-dire considérant le chinois comme l'anglais ou le français- ne reconnaît pas que les caractères chinois sont une unité à part. » Selon lui, pour la langue chinoise, la plus petite unité n'est pas seulement le mot, mais aussi le caractère. Par exemple, le mot « école » en chinois 学校 est composé de学 et de 校. Les étudiants étrangers qui apprennent pour la première fois ce mot s'interrogent évidemment sur le sens de chaque caractère avant de retenir le sens du mot.

D'après Joël Bellassen, pour enseigner plus efficacement le chinois auprès des étrangers, il faut avant tout reconnaître le fait que le chinois a deux unités et non pas une seule unité. Bien avant lui, la plupart des sinologues étrangers qui ont réfléchi sur la langue chinoise ont déjà reconnu les deux unités du chinois. Mais cette méthode qui donne la priorité au caractère n'est pas acquis un impact approprié dans le milieu de l'enseignement du chinois en langue étrangère, ce qui reste un grand regret du sinologue.

Une ferveur toujours élevée en France pour la sinologie

En France, l'intérêt pour la Chine reste toujours très fort, comme Joël Bellassen l'a indiqué : la plus ancienne sinologie vient de France, le premier enseignant du chinois en langue étrangère ayant été nommé à Paris en 1814. Selon lui, la sinologie en Europe, et notamment en France, a passé trois périodes historiques en commençant par les jésuites jusqu'à l'ère contemporaine, passant par l'époque moderne, tandis qu'aujourd'hui cette ferveur demeure toujours très élevée.

Aujourd'hui à la retraite, Joël Bellassen accorde beaucoup d'intérêt personnel à la Fête des caractères chinois : c'est un événement qu'il comme son bébé. Il voudrait en faire comme la Fête de la musique, un événement annuel en grande échelle en France, pour que tous les Français puissent une fois par an, pendant quelques jours, apprécier les caractères chinois sous toutes leurs dimensions. Joël Bellassen rêve même de pouvoir projeter des caractères chinois en lumière sur la tour Eiffel ou l'Arc de Triomphe pendant la Fête des caractères chinois. C'est ainsi que le sinologue souhaite, à travers les médias, appeler des sponsors potentiels à tourner leur regard sur cette fête pour la transformer en un événement réellement populaire, non seulement à Paris mais aussi dans toutes les provinces françaises.  

(Rédacteurs :Yishuang Liu, Xiao Xiao)
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