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Expert japonais en céramique : la rumeur disant que les Yohen Tenmoku sont un accident est une négation de la culture chinoise de la dynastie Song

Xinhua | 29.03.2019 09h41

L'expert japonais en céramique Soukichi Nagae, qui s'est récemment rendu à Jianyang, dans la province chinoise du Fujian, lieu de production des Yohen Tenmoku, pour y faire cuire des bols Jian a dénoncé la rumeur sur Internet selon laquelle les Yohen Tenmoku, classés trésors nationaux au Japon, étaient le fruit d'un accident, soulignant qu'il s'agissait d'une négation de la culture chinoise de la dynastie Song (960-1279).

Le mot "Tenmoku" est le nom donné par les Japonais à l'ancien bol à thé noir de Chine. Le mot Yohen en japonais évoque "le scintillement dans le ciel d'une nuit étoilée". Parmi les 14 oeuvres céramiques classées trésors nationaux au Japon, huit viennent de Chine et datent de la dynastie Song, dont trois Yohen Tenmoku.

"Ces Yohen Tenmoku ne sont pas un simple accident. S'ils impliquent un hasard, c'est plutôt un hasard dû aux efforts continus des potiers cherchant à créer les plus belles choses, tout comme les athlètes olympiques remportent la médaille d'or dans des conditions idéales. Dans la dynastie Song, malgré l'absence de méthode scientifique identique à la nôtre, les potiers chinois avaient leurs propres théories et expériences. Ils consacraient leur vie à créer de beaux objets, et les belles choses ne se produisent jamais par accident", a déclaré M. Nagae.

"En 2016, en tant que chercheur et spécialiste de la reproduction des Yohen, j'ai participé à l'analyse par spectrométrie de fluorescene des rayons X du trésor national Yohen Tenmoku conservé au musée d'art Fujita, à Osaka. Aucun élément de métal lourd n'a été détecté. Cela pousserait à conclure que ce sont des substances acides qui ont donné les brillants dessins Yohen. Si cette technique avait été utilisée par hasard, davantage de fragments auraient été mis au jour, mais rien n'a été retrouvé. Cette rumeur est une pure négation du talent des potiers chinois de l'époque".

"En outre, un demi bol Yohen Tenmoku a été mis au jour à proximité des vestiges du palais impérial de la dynastie des Song du Sud (1127-1279), à Hangzhou, prouvant que ce bol n'avait jamais été utilisé par la famille impériale. La rumeur disant que ces Yohen Tenmoku étaient signes de malchance et qu'ils étaient parvenus au Japon parce qu'ils devaient être éloignés de la Chine est une insulte pour les Chinois de l'époque, comme s'ils ne savaient pas ce qu'était la beauté. L'esthétique chinoise des Song reconnaissait les Yohen Tenmoku. Cette rumeur nie également la culture chinoise de la dynastie Song, voire la culture chinoise et les Chinois", a souligné M. Nagae.

Il n'existe que trois Yohen Tenmoku et demi dans le monde actuellement. Trois exemplaires complets sont précieusement conservés dans trois musées japonais et classés trésors nationaux par le gouvernement japonais, le premier au musée d'art Fujita, musée privé d'Osaka, le second au Ryokoin, l'un des temples secondaires du temple bouddhiste Daitoku-ji de Kyoto, et le troisième et plus célèbre au musée d'art Seikado Bunko de Tokyo. En outre, un demi bol a été mis au jour en 2009 à proximité du palais impérial des Song du Sud, dans l'arrondissement de Shangcheng de la ville chinoise de Hangzhou. Les dessins Yohen de cet objet sont comparables aux trois trésors nationaux du Japon.

M. Nagae est issu d'une famille de céramistes possédant 300 ans d'histoire, portant de génération en génération le shumei (littéralement "succession de nom") de "Soukichi", un caractère chinois utilisé sous la dynastie Tang (618-907) signifiant "l'ensemble des choses du monde". Il est "Soukichi le neuvième".

Cela fait 72 ans que M. Nagae et son père tentent de reproduire les Yohen Tenmoku. En 1947, le père de M. Nagae, Soukichi le huitième, âgé alors de 18 ans, a décidé de faire de la reproduction des Yohen Tenmoku le but de sa vie après avoir vu un trésor national Yohen Tenmoku exposé au musée national de Kyoto. En 1995, quand son père est décédé, M. Nagae était déterminé à poursuivre le travail de celui-ci. Il s'est déplacé à Jianyang une trentaine de fois pour réaliser des Tenmoku. "J'utilise les mêmes matériaux et les mêmes méthodes que sous la dynastie Song. Nous avons quasiment obtenu l'effet des Yohen, mais le niveau n'est pas encore à la hauteur de celui de la dynastie Song", a déclaré M. Nagae.

"Mon travail est double : reproduire les Yohen Tenmoku et créer mes propres oeuvres avec la méthode basée sur la technologie de cette reproduction. Comme je pense avoir découvert le secret de la technique utilisée par les potiers Song, je dois réussir à refaire exactement les mêmes pour prouver que ma théorie est correcte. Il s'agit d'une étude, mais pas d'un processus artistique. En tant qu'artiste contemporain, le but de ma vie est de réaliser mes propres créations."

"Un Yohen Tenmoku n'est qu'un bol à thé, mais il est très intéressant du point de vue de l'histoire de la céramique et de l'histoire culturelle. Il s'agit d'un sujet d'échanges permanents entre la Chine et le Japon."

"Chaque pays a ses talents. L'idéal serait de s'apprécier les uns les autres pour améliorer l'esthétique et la culture de chacun. Je continuerai à oeuvrer pour cet idéal. Ma vie devrait donc être magnifique", a déclaré M. Nagae.

(Rédacteurs :Xiao Xiao, Yishuang Liu)
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