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L'initiative « La Ceinture et la Route » : des projets pour la France

La Chine au présent | 27.03.2019 15h04

L'année 2018 a marqué le 5e anniversaire de l'initiative « la Ceinture et la Route » avancée en 2013 par le président chinois Xi Jinping. Et cette année marque le 55e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France. La reconnaissance par la France de la République populaire de Chine le 27 janvier 1964 fut le point de départ des contacts officiels entre les deux pays. Cet événement souligne la qualité des relations entre les deux pays et valorise leur coopération. Sous cet auspice, rappelons les opportunités et les avantages qui sont apportés par cette initiative pour la France. L'ancienne Route de la Soie a apporté des bénéfices à la Chine, et à d'autres pays, la nation française incluse. La France va-t-elle tirer parti de l'initiative « la Ceinture et la Route » proposée par la Chine ?

Des projets concrets et bénéfiques pour la France

Suite aux visites d'État successives en 2018 du président français Emmanuel Macron et du premier ministre français Édouard Philippe, les deux pays n'ont pas perdu de temps sur ce dossier. Tous deux sont désormais prêts à participer étape par étape, et au cas par cas, à des projets communs d'investissements le long des axes et des corridors reliant la Chine à l'Europe via l'Asie centrale, et même sur le continent africain. Après ces deux visites d'État, Paris et Beijing ont commencé à identifier des projets communs.

Une première liste de douze coopérations en marchés tiers a été remise aux autorités chinoises lors de la visite d'Édouard Philippe en Chine au mois de juin 2018. Celle-ci incluait des projets promus par diverses entreprises françaises dans des secteurs divers, tels ceux des entreprises de l'hôtellerie avec AccorHotels, du BTP, ou du secteur des transports. Suite à cette première proposition française, les autorités chinoises ont proposé une autre liste de douze initiatives, dans l'attente de la visite en Chine d'une très haute autorité française, Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor, au cœur de la politique économique française, pour que les propositions de la Chine et de la France se rejoignent.

Une première liste de quatre projets de coopération en pays tiers a été définie. Parmi ces initiatives conjointes, deux concernent l'énergie, d'une part, avec EDF associé à une entreprise chinoise de production d'électricité China Datang, et d'autre part, Engie qui devrait travailler de concert avec le groupe TUS Holdings Co. Ltd, un groupe de sociétés en sciences et technologies, et le plus grand parc scientifique universitaire au monde, avec une superficie totale de 770 000 m2 et plus de 1 500 entreprises. À l'heure actuelle, TusPark est le siège en Chine de sociétés multinationales de recherche et de développement, et un siège d'entreprises de technologies chinoises, avec des jeunes entreprises innovantes.

La Chine et la France se sont mis d'accord sur le principe de ces coopérations franco-chinoises avec la proposition chinoise dans le cadre de « la Ceinture et la Route », dans l'attente d'une étude plus poussée de projets concrets, qui seraient rapidement réalisables. De son côté, la Commission nationale du développement et de la réforme de la Chine devrait fournir courant 2019 à la France une liste complémentaire à ses services, au Quai d'Orsay (ministère de l'Europe et des Affaires étrangères), et à Bercy (ministère de l'Économie et des Finances).

Construire des projets franco-chinois dans le cadre de « la Ceinture et la Route » demande un travail de coopération intense, tant sur le plan de la coordination diplomatique que des aspects juridiques, économiques, techniques et financiers, notamment au regard des problèmes d'échelle. En effet, la France n'a pas la même puissance financière que la Chine et de plus, il faut trouver des initiatives qui correspondent aux souhaits et aux intérêts des deux pays. À titre d'exemple, le Fonds franco-chinois créé sous la présidence française de François Hollande à destination des pays tiers et qui était alimenté par un budget de 300 millions d'euros, arrive tout juste à financer moins de six projets communs.

En Chine, en avril 2019, se déroulera le deuxième Forum sur l'initiative « la Ceinture et la Route » pour la coopération internationale, où seront présents des représentants français de haut niveau. Les questions économiques, financières et d'investissement concernent bien entendu les deux nations, mais elles dépassent le cadre des relations bilatérales franco-chinoises, en englobant la Chine et l'ensemble de l'Union européenne (UE). Une communication spécifique a été établie à ce sujet à l'automne 2018 entre la Chine et la France, ainsi qu'entre la Chine et l'Europe.

D'ores-et-déjà, une décision de coopération sur six à huit projets dans des pays tiers a été prise, et certains pays du continent africain ont demandé la participation conjointe de la Chine et de la France dans des plans d'investissement locaux. Ces initiatives concerneront également le développement durable, la transition écologique, la croissance verte et durable, autant de domaines dans lesquels la Chine et la France peuvent apporter leurs propres atouts. Mais il n'y pas que les États qui vont œuvrer et travailler ensemble sur cette initiative. Les collectivités locales, les villes et les entreprises françaises ont, pour certaines, déjà mises à leur agenda les opportunités multiples offertes par « la Ceinture et la Route ». Il s'agit non seulement de participer à la construction des nouvelles infrastructures, mais aussi profiter des grandes opportunités qui peuvent être créées pour développer de nouveaux segments et des marchés potentiellement bénéfiques.

La France, leader en Europe dans l'industrie aéronautique, a un rôle majeur à jouer dans l'élaboration d'une politique nationale et communautaire qui prend en compte les récents développements le long de « la Ceinture et la Route » dans le domaine spatial. La France doit mettre en avant ses atouts pour réaliser des investissements rentables et sûrs dans des pays tiers, en Afrique par exemple, ou dans d'autres pays, comme au Pakistan, sans sous-évaluer le risque sécuritaire. La France doit associer les entreprises, les villes et les régions pour une réflexion et la mise en place d'une feuille de route favorisant les coopérations franco-chinoises dans le cadre de « la Ceinture et la Route ». Il s'agit aussi de stimuler la mobilité en Chine des chercheurs et des étudiants français, pour améliorer la connaissance du marché chinois. Il s'agit également d'étudier les opportunités pour mener des coopérations en pays tiers en Europe centrale mais aussi en Afrique de l'Ouest.

En France, d'autres actions doivent être menées, en encourageant les institutions et les entreprises à utiliser des concepts juridiques dans le cadre de « la Ceinture et la Route ». Il faut également favoriser dans le cadre de partenariats multiples avec la Chine des nouveaux concepts, des plates-formes de connectivité et des coopérations dans les relations avec la Chine et les pays tiers. L'initiative « la Ceinture et la Route » est plutôt une plate-forme participative de coopération et de connectivité visant à améliorer l'intégration économique afin de favoriser la croissance de l'économie mondiale. Chaque nation partenaire doit proposer sa vision, sa compréhension et ses souhaits pour cette initiative, et les mettre en œuvre dans un processus collaboratif gagnant-gagnant.

Un bénéfice économique pour la France

En 2018, lors de sa visite d'État en Chine, Emmanuel Macron a souhaité l'implication de la France et de l'Europe dans la construction du projet « la Ceinture et la Route ». Dans cette perspective, un rapport du Sénat français a été publié. Il s'agit d'évaluer les effets de « la Ceinture et la Route » dans les domaines géopolitiques, économiques et environnementaux. La France doit jouer un rôle moteur dans la construction du projet « la Ceinture et la Route », et être une force d'impulsion dans sa relation avec la Chine afin de s'intégrer dans le processus, selon des objectifs de réciprocité et dans le respect des engagements internationaux. De plus, la France a un rôle moteur à jouer dans le développement de la relation entre la Chine et l'UE.

La Chine, grâce à sa politique d'innovation, à sa puissance économique et aux nouvelles Routes de la Soie, est appelée à jouer un rôle de plus en plus important dans la gouvernance mondiale et dans le commerce planétaire. La France est une grande puissance au sein de l'UE. De ce fait, la France doit porter un message plus large, car une coopération de l'UE avec la Chine apportera de grands bénéfices. En France, un groupe de travail du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères et du ministère de l'Économie a été constitué. Les entreprises, les régions françaises et les autres acteurs doivent être invités dans ce débat, parce que leurs compétences dans la coopération France-Chine sont utiles. Ce groupe de travail devrait creuser trois pistes : 1. Identifier des projets souhaitables et réalisables en coopération avec la Chine, notamment dans les pays tiers ; 2. Proposer à la labellisation, des projets qui existent déjà ; 3. Identifier de nouveaux pays dans lesquels une coopération en pays tiers pourrait être mise en place.

C'est une opportunité de prospérité, de développement et de paix pour toutes les nations, dont la France fait partie. Les grands projets d'infrastructures, les axes routiers et ferroviaires, les voies maritimes et les zones portuaires vont favoriser la croissance économique en France. De la côte Atlantique, de la Manche, ou de la Méditerranée, l'Europe, l'Afrique et l'Amérique du Nord s'offrent aux opportunités. Au cœur des routes méditerranéennes, le grand port de Marseille a déjà signé un accord de coopération avec Shanghai, le plus grand port du monde. C'est un premier pas pour décrocher une escale privilégiée sur « la Ceinture et la Route ».

De multiples sociétés françaises et chinoises s'installent dans nos pays respectifs, dynamisant l'économie, la finance, les emplois et les échanges culturels, scientifiques et humains. Des trains de fret parcourent 11 500 kilomètres en une dizaine de jours, comme « Lyon-Wuhan » ou vers d'autres villes. Nos deux pays vont développer des objectifs communs. Il s'agit d'encourager la prospérité, la paix, le progrès économique et humain, une croissance durable, l'innovation et le bien-être du plus grand nombre. Nos deux nations vont s'engager vers de fructueux échanges commerciaux et vers la nouvelle ère planétaire du XXIe siècle.

Par PIERRE PICQUART, expert international, écrivain et président du Centre d'études, de développement, et de recherche international et sur la Chine contemporaine (CÉDRIC).

(Rédacteurs :Gao Ke, Yishuang Liu)
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