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Deux sessions: L'ambassadeur de la France en Chine confiant dans les capacités de la Chine à poursuivre ses réformes et son ouverture

Xinhua | 15.03.2016 08h08

M. Maurice Gourdault-Montagne, ambassadeur de la France en Chine, a accordé récemment une interview exclusive à Xinhuanet, à l'occasion des "deux sessions" de l'Assemblée populaire nationale (APN, parlement chinois) et du Comité national de la Conférence consultative politique du peuple chinois (CCPPC, organe consultatif politique suprême de Chine), qui se déroulent actuellement à Beijing, capitale chinoise. L'ambassadeur a parlé de l'économie chinoise, de l'initiative "la Ceinture et la Route" et des coopérations sino-françaises sur l'innovation. Il a exprimé sa confiance dans les capacités de la Chine à poursuivre ses réformes et son ouverture. Voici le texte de l'interview :

Q: Les "deux sessions" sont une fenêtre pour connaître les tendances du développement de la Chine. Monsieur l'ambassadeur, vous êtes le lien le plus direct entre votre pays et la Chine. Quels sont les sujets qui vous intéressent le plus au cours des "deux sessions" et pourquoi ?

M.Gourdault-Montagne: Les assemblées plénières, les "Lianghui", sont en effet un moment très important de la vie politique de la Chine, puisque tous ceux qui décident sont présents et discutent du bilan de l'année écoulée et des projets futurs. C'est pour nous, partenaire de la Chine, un moment crucial qui nous permet de comprendre les grandes orientations et de déterminer comment nous pouvons engager et poursuivre nos différents partenariats et coopération avec la Chine. Cette année, entendre le Premier ministre Li Keqiang décrire la situation et les défis auxquels sont confrontés la Chine à un moment de la transformation de son modèle économique, tout en poursuivant son travail d'ouverture et de réforme est particulièrement important. C'est ça qui nous intéresse. Et à partir de là, nous essayons de trouver les domaines dans lesquels nous pouvons accompagner la Chine. Ce qui m'a frappé cette année en particulier, c'est le poids mis sur l'innovation, et sur la transformation énergétique, c'est-à-dire, toutes les parties qui concernent l'environnement, la lutte contre le réchauffement climatique, la lutte contre la pollution. Tous ces sujets sont naturellement des sujets très importants pour nous également. Il est important aussi pour nous d'entendre ce qui est dit sur la croissance chinoise, sur l'adaptation de la croissance chinoise, et la nouvelle normalité.

Q: Cette année marque le début du 13e Plan quinquennal chinois. La Chine s'engage à suivre la stratégie de développement axé sur l'innovation. D'après vous, comment la Chine pourra-t-elle réaliser un développement innovant? Comment la Chine et la France pourront-elles approfondir la coopération sur l'innovation?

M.Gourdault-Montagne: La Chine est un grand pays industriel, et décide maintenant d'axer son développement sur une montée en gamme, de ses produits industriels et sur investissement technologique important. Nous avons écouté attentivement les grandes orientations du 13e plan, qui correspondent à ce que nous avons entendu au moment du dernier plénum du comité central. Ce qui est important, c'est de voir que les projets existent pour concentrer les efforts de tous. Je pense en particulier au "Made in China 2025"et "Internet+" qui sont les projets de la Chine. Nous avons en France un projet qui s'appelle "l'usine du futur, l'industrie du futur". Et nous avons plusieurs entreprises françaises leaders dans ce domaine, l'entreprise Schneider, qui est déjà établie en Chine, Fives et Dassault Systèmes. Ces entreprises développent toute l'industrie du futur en France. Et nous essayons de voir comment être partenaire dans des projets pilotes avec la Chine. Par ailleurs, vous avez en Chine à peu près 1500 entreprises françaises tous les domaines, des entreprises de haute technologie, des entreprises qui établissent des centres de recherche de développement. Je prends un exemple, une entreprise comme Air Liquide, vient d'ouvrir un centre de recherche à Shanghai. Elle a 5 centres de recherche dans le monde dont un est en Chine. C'est bien un exemple de la façon dont nous poursuivons notre recherche de développement et de coopération avec la Chine. C'est un exemple, il y en a d'autres, chaque grand groupe français a un centre de recherche et de développement en Chine. Ce sont dans tous les cas des exemples qui montrent que nous accompagnons la Chine vers l'innovation.

Q: Ces dernières années, la Chine s'engage à réaliser l'initiative "La Ceinture et la Route", proposée par le président chinois Xi Jinping. D'après vous, quelles bénéfices cette initiative a-t-elle apportés à votre pays? Dans quels secteurs la Chine et la France coopéreront-elles dans le cadre de l'initiative "La Ceinture et la Route"?

M.Gourdault-Montagne: Le projet des Routes de la soie, "One belt, one road", la Route de la soie terrestre et la Route de la soie maritime, est un projet extrêmement intéressant. C'est un projet qui vise à créer des zones de croissance interconnectées. Et à l'époque de la globalisation, ce projet nous intéresse, avoir un monde où il y a de la croissance, de la stabilité, et le bien-être de la population est la paix. C'est un objectif qui consiste à fédérer et faire travailler les pays en partenariat. Pour le moment, nous en sommes au stade de la réflexion, au stade de la conceptualisation des projets. Mais nous sommes très intéressés de voir l'arrivée de la Route de la soie jusqu'en Europe, de voir les moyens mis en place par la Chine avec le fonds de la Route de la soie, avec les projets de l'AIIB, entrer en contact avec le fonds stratégique Juncker de l'Union européenne. La commission a bien un fonds stratégique qui vise à construire les infrastructures, des infrastructures de transport ferroviaire, des infrastructures d'éducation, de santé. La Route de la soie contribue par l'activité économique et la croissance à créer la paix et la stabilité. Nous sommes aussi intéressés par les Routes de la soie quand elles vont aussi jusqu'en Afrique, car nous avons des projets de partenariat avec la Chine en pays tiers. Et l'idée a été développée dans une déclaration conjointe franco-chinoise publiée lors de la visite du Premier ministre Li Keqiang en France au mois de juin 2015. Nous avons identifié les thèmes comme l'environnement, la santé, l'éducation, l'énergie, les transports, thèmes sur lesquels nous pouvons construire ensemble. Comme l'a dit M. Li Keqiang, l'industrie de moyenne gamme chinoise, l'infrastructure de moyenne gamme, et les technologies peuvent aller ensemble, il faut les financer. Ça fait partie des projets qui nous intéressent. Dans la globalisation actuelle, un projet qui rassemble comme les projets de la Route de la soie est intéressant. Bien sûr, il y aura les questions des normes, il y aura les questions des standards, il y aura de nombreux sujets de discussion mais l'important que la Chine ait eu cette belle idée et que c'est un projet sur lequel l'on peut travailler.

Q: La Chine est entrée dans une nouvelle ère de "normalité" économique. La réforme structurelle, celle de l'offre en particulier, se déroule dans le domaine de l'économie chinoise. Quelques observateurs occidentaux prédisent un atterrissage brutal pour la Chine. À votre avis, la Chine est-elle menacée par un atterrissage brutal? Quel est votre commentaire sur la perspective de la croissance économique chinoise en 2016?

M.Gourdault-Montagne: J'entends le Premier ministre Li Keqiang nous dire que la croissance sera entre 6,5% et 7%. Je ne crois pas qu'il y aura un atterrissage brutal. La Chine est actuellement, je l'ai déjà dit, dans une transformation de son modèle économique. La Chine a décidé de nouvelles priorités. La Chine a fait un diagnostic et se donne les moyens par l'ouverture et la réforme d'aller de l'avant. Je suis très confiant dans les capacités de la Chine à poursuivre ses réformes et son ouverture, parce que c'est pour le bénéfice du monde entier. Dans les messages que le président français, que le ministre des Finances français ont transmis aux autorités chinoises, c'est la confiance dans les capacités de la Chine à poursuivre ses réformes et son ouverture. Nous avons besoin aussi de l'ouverture de la Chine. Nous avons besoin de pouvoir continuer le partenariat avec la Chine. L'accès au marché en Chine doit être facilité comme est facilité pour la Chine l'accès au marché en Europe. Sur cette base-là, nous sommes confiants dans l'avenir des relations entre la France et la Chine, entre l'Europe et la Chine, et naturellement pour la poursuite du développement chinois qui doit être un succès pour le monde entier.

Q: Lors de sa visite en Chine, l'ambassadrice de la France pour les négociations climatiques, Mme Laurence Tubiana, a estimé que la Chine a joué un rôle décisif dans la conclusion de l'accord de Paris. Comment la France coopérera-t-elle avec la Chine à mettre en oeuvre cette conclusion?

M.Gourdault-Montagne: C'est un point important. Mme Tubiana a dit ce que le monde entier pense. La Chine a joué un rôle essentiel dans le succès de la Conférence de Paris. Et nous nous réjouissons parce que la France, présidente de la conférence de Paris, a préparé avec la Chine ce succès. Et tout cela a été largement préparé avec la déclaration conjointe entre la Chine et la France qui a été publiée quand le président français est venu en Chine au mois de novembre, un mois avant la Conférence de Paris. Il y a eu un gros travail. Maintenant, il y a la mise en oeuvre des accords de la conférence. Il y a les engagements nationaux qui ont été pris par les pays, par la France au sein de l'Europe, par la Chine en tant que telle, par les 196 pays. La Chine, je l'ai retrouvé dans le plan annoncé par le Premier ministre lors des "Lianghui", lors de l'ouverture de l'Assemblée populaire la semaine dernière. La Chine va mettre en oeuvre à la fois la limitation de son pic d'émissions, l'ensemble de mesures qu'elle décident de prendre sur la reforestation, sur les renouvelables, etc.. Il y a aussi la dimension qui concerne l'économie, l'économie verte. Et là-dessus, la France et la Chine peuvent continuer à travailler ensemble. Il y a un besoin dans nos sociétés de lutte contre le réchauffement climatique, bien sûr, mais ça entraîne une économie durable, notamment les villes durables, les éco-quartiers, la mise en place de l'efficacité énergétique. Tout ce qui concerne la pollution avec le traitement de déchets, le traitement de l'eau, les transports propres, les villes propres, parce que nos sociétés ont besoin. Les hommes et les femmes de nos sociétés veulent habiter dans un environnement agréable. Là-dessus, il y a une expérience française, il y a une expérience de la Chine. Nous avons des coopérations en particulier à Wuhan, dans le district de Caidian, l'éco-quartier, la ville durable. Nous avons une expérience à Shenyang. Nous avons des projets aussi à Chengdu et à Chongqing. Il y a aussi la mise en oeuvre à travers la finance verte, et la finance climat, d'un certain nombre de projets pour venir en aide aux pays qui ne peuvent pas le faire tout seul. Voilà donc il y a plusieurs plans qui nous permettent de travailler à la fois sur le plan bilatéral, mais également sur les plans multilatéraux avec la Chine.

Q: L'Europe fait face à des défis sérieux, comme la crise des réfugiés, et la crise du Brexit. L'Europe est-elle en déconstruction? Quel avenir pour l'Europe, d'après vous?

M.Gourdault-Montagne: L'Europe, c'est un processus de construction continue, avec des avancées et beaucoup d'obstacles à surmonter. Il est vrai qu'aujourd'hui, il y a des obstacles qui sont liés à la situation conjoncturelle, qui est celle des migrants, qui est celle liée à l'incertitude posée par la possibilité que l'Angleterre quitte la communauté européenne, l'Union européenne. Mais je reste fermement convaincu que l'Europe reste solide. L'Europe, elle repose aussi sur des engagements contractuels pris par vingt-huit pays. Elle repose sur la zone euro. La zone euro, c'est une zone extrêmement puissante dans laquelle l'Allemagne et la France représentent la moitié de la puissance de la zone euro. Ce sont les les 4e et 5e économies du monde. L'Europe, elle, repose sur des bases très solides . Et d'ailleurs, les dirigeants chinois le savent. Ils ont apporté à l'Europe un soutien constant. Vous savez que l'Union européenne est le premier partenaire économique de la Chine, avant les Etats-Unis et que c'est en Europe qu'on trouve les industries les plus innovantes. Quand vous regardez le classement de Thomson Reuters de 2015 sur les 100 entreprises les plus innovantes, la France est troisième, et derrière, vous avez, un peu plus loin, l'Allemagne et l'Angleterre. L'Europe est le partenaire de la Chine, l'Europe est une zone solide, une zone qui souhaite aller avant notamment par la mise en place d'un traité sur la protection de l'investissement, qui facilitera l'accès aux marchés des deux côtés, qui permettra une stabilité juridique de nos échanges dans le cadre de l'état de droit que la Chine demande aussi. Et à travers les engagements internationaux, je pense qu'il y a un bel avenir pour l'Europe, même si la période d'aujourd'hui est une période compliquée.

(Rédacteurs :Yishuang Liu, Guangqi CUI)
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