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Dissiper des sentiments publics négatifs aidera le Japon à améliorer les relations avec ses voisins

Xinhua | 31.10.2015 11h12

Après une interruption de trois ans, les rencontres trilatérales entre les dirigeants chinois, sud-coréens et japonais vont finalement reprendre, le signe d'une détente dans les relations tendues entre Tokyo et ses deux voisins asiatiques.

Ce 6e sommet trilatéral, qui se déroule du 31 octobre au 2 novembre à Séoul en présence la présidente sud-coréenne Park Geun-hye et des Premiers ministre chinois Li Keqiang et japonais Shinzo Abe, devrait permettre de dissiper des sentiments négatifs dans les opinions publiques.

RELATIONS TENDUES

La perception du Japon dans les opinions publiques en Chine et en Corée du Sud s'est en effet déteriorée ces dernières années. Et réciproquement.

Un sondage sur les relations sino-japonaises diffusé vendredi par le groupe de presse China International Publishing Group et l'institut d'études japonais Genron NPO montre en effet que 78,3% des personnes interrogées en Chine ont une opinion "défavorable" du Japon, alors que ce chiffre est de 88,8% côté japonais.

Ces sentiments négatifs reflètent des différends historiques et territoriaux entre le Japon et ses deux voisins, estiment unanimement des experts originaires de ces trois pays.

L'absence d'excuses récentes du Japon concernant les crimes de guerre commis pendant la Seconde Guerre mondiale irritent les peuples des deux pays victimes. La perception du Japon par les Chinois s'est aggravée depuis 2012, date à laquelle Tokyo a annoncé unilatéralement sa "nationalisation" des îles chinoises Diaoyu.

"Abe souffle le chaud et le froid en matière de diplomatie, laquelle est centrée autour de ses ambitions militaires, ce qui vient s'ajouter aux différends territoriaux actuels et à des divergences sur l'histoire de la guerre", confie à Xinhua Kaoru Imori, maître de recherche au département de sciences politiques de l'Université Meiji Gakuin à Tokyo.

Parmi les Chinois ayant une opinion "défavorable" du Japon, la plupart se disent inquiets de la hausse du militarisme japonais, évidente à l'ère Abe.

"Le gouvernement japonais, particulièrement son aile droite, déforme l'histoire et trompe son peuple en dissimulant ou déformant les faits, ce qui explique pourquoi nos compatriotes ont développé une réelle antipathie à son égard", estime Yang Xiyu, chercheur à l'Institut chinois des études internationales, basé à Beijing.

Le sondage montre que 70,5% des sondés chinois ont une opinion "défavorable" du Japon, essentiellement parce que le gouvernement Abe n'a pas prononcé d'excuses sincères pour les atrocités commises par l'armée impériale japonaise.

"Pour leur part, beaucoup de Japonais ordinaires pensent que les Chinois et les Sud-coréens ne cessent de s'attarder sur les questions historiques", ajoute-t-il dans un entretien à Xinhua.

Le sondage semble confirmer l'analyse de M. Yang : 55,1% des Japonais disent avoir le sentiment que "la Chine n'arrête pas de critiquer le Japon sur les questions d'Histoire".

"Il semble assez évident qu'un petit groupe d'hommes politiques d'extrême droite, pas tout les Japonais, continue d'avoir des positions révisionnistes et que ces positions malhonnêtes ont eu un impact négatif sur les relations bilatérales", note Kim Han-know, professeur adjoint au département des études sur l'Asie-Pacifique à l'Académie nationale de diplomatie à Séoul.

UN BESOIN DE DAVANTAGE D'ECHANGES

Quand on sait que chaque pays doit prendre en compte les volontés de sa population lorsqu'il définit sa politique domestique et internationale, il semble urgent de devoir améliorer les perceptions que les Chinois et les Japonais ont les uns des autres afin d'améliorer les relations bilatérales.

En retour, des relations politiques solides aideront à amoindrir ces perceptions négatives dans les opinions publiques, qui sont actuellement au plus bas, juge Ruan Zongze, vice-président de l'Institut chinois des études internationales.

"Améliorer les relations entre les peuples chinois et japonais est d'une importance vitale pour toute la région, tant pour le commerce que pour la culture et les échanges humains", déclare M. Imori à Xinhua.

M. Ruan note cependant que l'impasse actuelle entre la Chine et le Japon n'est plus seulement politique, mais aussi économique.

"Les liens diplomatiques ne doivent pas seulement dégeler, mais s'améliorer; lorsqu'un peuple voit ses dirigeants étoffer leurs liens, cela les encourage à améliorer les liens à tous les niveaux, y compris sociaux", dit-il.

Interrogé sur les moyens de changer ces perceptions négatives dans les opinions publiques, M. Imori estime qu'elles "peuvent toutes être changées par M. Abe. Si cela se fait de façon honnête et sans arrière-pensée, il n'y a aucune raison que le Japon et ses voisins ne renouent pas les liens d'amitié qu'ils entretenaient autrefois".

"De plus, d'un point de vue domestique, le gouvernement (japonais) pourrait peut-être en faire plus en s'attaquant aux discours et aux ouvrages haineux qui sont ouvertement anti-chinois ou anti-coréen", dit-il, "et en se concentrant davantage sur le rétablissement de relations humaines productives et un encouragement à des échanges culturels, éducatifs et commerciaux qui profiteront à tous".

"Nous devrions maîtriser les troubles politiques et essayer de comprendre les relations internationales entre les trois pays d'un point de vue multidimensionnel", confie M. Kim à Xinhua.

"Outre des échanges officiels qui sont cruciaux pour les relations d'Etat à Etat, les deux parties devraient faire jouer pleinement les échanges non-gouvernementaux en améliorant les échanges gouvernementaux comme ils l'avaient fait avant la normalisation de leurs relations diplomatiques en 1972", selon M. Ruan.

Pour la Chine, il est également important de s'attaquer aux questions-clés telles que les îles Diaoyu d'une façon qui soit compréhensible par le peuple japonais", pense Liu Jiangyong, vice-directeur de l'Institut contemporain des relations internationales à l'Université Tsinghua, soulignant l'importance de la communication entre les Etats et les peuples.

UNE NOUVELLE OPPORTUNITE D'AMELIORER LES RELATIONS

La prochaine réunion peut être une bonne occasion de dégeler les relations glaciales entre le Japon et ses voisins, permettant de faire avancer leur programme de coopération et de développement en Asie du Nord-Est.

"La coopération trilatérale sur des dossiers tels que la sécurité conventionnelle et les défis non conventionnels comme le changement climatique, l'environnement, la sûreté nucléaire et l'antiterrorisme permettra, ou au moins contribuera, de modifier favorablement les perceptions négatives des uns sur les autres", indique M. Kim.

Ce sommet "symbolise une détente dans les relations sino-japonaises, ou au moins un petit pas vers une tension moindre. Elle illustre une tendance positive après deux réunions entre les dirigeants chinois et japonais l'an dernier et au début de cette année", indique M. Ruan dans un récent entretien à Xinhua.

"La réunion aidera à changer la perception des deux peuples l'un envers l'autre, à améliorer la compréhension du peuple chinois à l'égard du peuple japonais et à corriger la perception erronée de ce dernier sur les relations sino-japonaises", estime M. Yang.

Le Premier ministre chinois Li Keqiang "réitérera la position chinoise sur les questions de principe, comme les questions historiques, et la partie japonaise accordera une attention considérable à cette position lors de cette première réunion en plus de trois ans", pense-t-il. "Ainsi, cette réunion permettra de créer une bonne atmosphère pour la communication future et donnera plus d'opportunités".

"Toutefois, modifier la perception d'un pays envers un autre ne donnera pas de résultats instantanés, car le sentiment national négatif est le fruit d'une accumulation", estime M. Ruan, ajoutant néanmoins que "si les liens politiques peuvent désamorcer les tensions, les relations civiles pourront également être influencées de manière positive".

Un point de vue partagé par M. Imori selon qui de tels changements ne se feront pas du jour au lendemain. Pour lui, l'amélioration des relations entre les peuples japonais et chinois "devrait prendre du temps".

(Rédacteurs :Wei SHAN, Yin GAO)
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