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Tchad: la difficile bataille du sang

Xinhua | 30.04.2018 10h39

Le sang et les produits sanguins manquent dans les structures sanitaires du Tchad, alors que ce qui est disponible fait souvent l'objet de spéculation et de pratiques illicites.

Pour inverser la tendance, les autorités nationales et médicales misent sur la sensibilisation et un élan de solidarité.

Jeudi, le ministre tchadien de la Santé publique, Aziz Mahamat Saleh, a lancé dans la capitale, la campagne nationale de don volontaire de sang. Cette campagne, qui durera une année, sera organisée dans toutes les régions du pays.

Après avoir donné lui-même l'exemple en donnant de son sang, le ministre de la Santé a exhorté tous les départements ministériels et la population tchadienne à se mobiliser pour faire "cet acte de solidarité qui permet de sauver des vies".

Il a déploré les pratiques des Tchadiens de ne recourir qu'en cas d'urgence et uniquement à des proches ayant du sang compatible pour sauver les membres de leurs familles. "Cela peut être simple à N'Djaména, mais dans les provinces, je vous assure que c'est une chose très compliquée. C'est la raison pour laquelle il faut mettre tout un système, aussi bien à N'Djaména que dans toutes les régions, pour que le sang soit disponible. La banque de sang est une nécessité", a-t-il expliqué.

Sur les centres de l'ancienne "Banque du sang" créée en 1972, un Centre national de transfusion sanguine (CNTS) a été créé il y a six ans, logé dans un bâtiment situé dans l'enceinte de l'Hôpital général de référence nationale, la plus grande structure sanitaire de N'Djaména. Malgré les moyens techniques importants mis en oeuvre, le Centre est peu fréquenté et a du mal à assurer son rôle d'intermédiaire entre les malades et les personnes en bonne santé par manque de donneurs volontaires.

Selon les chiffres officiels, aujourd'hui, le taux des dons volontaires n'est que de 14% dans la capitale du Tchad et de 5% pour tout le pays.

"Au niveau du Centre national de transfusion sanguine, nous avons des problèmes d'approvisionnement en sang parce que la demande est très élevée par rapport à l'offre. Et cela est dû, surtout au fait qu'il n'y a pas assez de sensibilisation de la population sur l'importance du don de sang. Cette campagne aidera à éliminer des préjugés et tout ce qui constitue un frein au don de sang", a estimé Dr Soureya Zakaria, directrice adjointe du CNTS.

L'un de ces préjugés répandus au Tchad est qu'on peut tomber malade en donnant de son sang. Le manque de sensibilisation et la persistance de ce préjugé se combinent à la réticence liée aux tests de dépistage qui précèdent les prélèvements. En effet de nombreux donneurs craignent de se découvrir porteurs d'une maladie comme le VIH, l'hépatite ou la syphilis en soumettant leur sang aux examens de précaution.

Les centres hospitaliers du Tchad manquent ainsi cruellement de sang. La demande du précieux liquide est largement supérieure à l'offre et les centres de transfusion doivent relever le double défi de fournir aux hôpitaux du sang en quantité suffisante tout en assurant sa qualité et sa sécurité.

"Dans nos hôpitaux des pratiques peu catholiques et peu mahométanes courent les couloirs de l'impunité. Des pratiques illicites que la science médicale abhorre. L'une de ces pratiques est la spéculation pécuniaire sur le sang humain, une pratique courante, tolérée car prospérant sous les yeux de tous les patients et parents de patients", a affirmé Djiddi Ali Sougoudi, président du Syndicat des médecins du Tchad (SYMET).

Pour ce jeune médecin qui gère le Programme national de lutte contre le paludisme, le sang est devenu une denrée rare au Tchad non seulement par le manque de donneurs mais aussi par ce circuit lucratif qui gère frauduleusement et pécuniairement le sang au niveau des hôpitaux et au niveau de la CNTS.

"Les groupes sanguins rares comme celui O-Négatif, groupe donneur universel mais ne pouvant recevoir que son propre groupe couplé rhésus, font spéculer davantage la vente du sang. Certains donneurs des groupes rares se font payer et les intermédiaires jappent d'impatience et ne manquent pas de se remplir illicitement les poches", a ajouté le président du SYMET.

Dès le début du mois d'avril, les médecins, à l'appel de leur syndicat, ont commencé à donner volontairement leur sang. Ils se sont engagés à être désormais trop regardants sur les pratiques qui courent les couloirs des hôpitaux. "Le SYMET aidera le Ministère et l'Ordre de médecins à l'instauration de bonnes pratiques médicales mais aussi à la lutte contre l'impunité", a promis Dr Djiddi Ali Sougoudi.

Enfin, le prélèvement, la conservation et la mise à disposition du sang aux patients demeurent un grand challenge. De grands hôpitaux comme l'hôpital de la Renaissance (un complexe moderne ouvert en 2013 dans la capitale) ne disposent pas d'une unité de sang et l'on y a vu des patients mourir pour une blessure du bras ou pour une hémorragie quelconque.

(Rédacteurs :Yishuang Liu, Wei SHAN)
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