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Partenariat de sécurité et de défense : Bruxelles et Ottawa renforcent leur autonomie face aux incertitudes américaines

Xinhua 11.07.2025 08h20

Le partenariat de sécurité et de défense (PDS) signé récemment entre l'Union européenne et le Canada a suscité une attention mondiale. Tous deux attachés au multilatéralisme, Bruxelles et Ottawa souhaitent renforcer à travers ce pacte leur coopération en matière de défense et de commerce, dans un climat d'incertitude politique aux Etats-Unis. Ce partenariat revêt une importance d'autant plus significative qu'il pourrait servir à l'avenir de modèle pour d'autres alliances transatlantiques souhaitant s'affranchir d'une dépendance vis-à-vis de Washington et affirmer leur autonomie stratégique sur la scène internationale.

L'avantage principal du PDS, pour l'UE comme le Canada, est de lier l'industrie de la défense canadienne aux efforts déployés par l'Europe pour réorganiser sa base industrielle. Il permet également à Bruxelles et Ottawa de travailler conjointement dans un ensemble de secteurs : la gestion des crises, la mobilité militaire, la sécurité maritime, les menaces cybernétiques et hybrides, la coopération industrielle en matière de défense, ainsi que la lutte contre le terrorisme, la non-prolifération, le désarmement, la politique spatiale et le soutien à l'Ukraine.

Pour l'expert en questions militaires et stratégiques canadien Philippe Lagassé, professeur agrégé à la Norman Paterson School of International Affairs de l'université Carleton, il s'agit "clairement d'un signal adressé aux Etats-Unis".

Selon M. Lagassé, "le Canada aimerait diversifier à la fois ses importations et ses exportations, pour davantage s'intégrer dans les lignes de production européennes et, ainsi, moins dépendre des Etats-Unis". Côté européen, ce partenariat représente la poursuite de sa politique de défense telle qu'énoncée dans son livre blanc, où l'on peut lire notamment que la "coopération avec le Canada s'est intensifiée et devrait être encore renforcée, notamment pour consolider la sécurité transatlantique", a-t-il indiqué.

L'expert a souligné, comme exemple de la volonté canadienne de réduire sa dépendance vis-à-vis de son voisin du sud, la récente décision du Premier ministre Mark Carney de réexaminer l'entente conclue avec le constructeur américain Lockheed Martin, en 2023, visant à acquérir 88 chasseurs F-35.

Par ailleurs, M. Carney a critiqué le budget actuel de la défense nationale canadienne, dont trois quarts de chaque dollar que le Canada consacre à la défense vont aux Etats-Unis, ce qui est, selon lui, "pas judicieux".

Un responsable de l'UE ayant requis l'anonymat a confié à Euronews qu'il s'agit du cadre le plus complet que l'Union puisse offrir à un pays tiers.

A terme, il pourrait permettre à Ottawa de participer à des achats communs dans le cadre du programme "ReArm Europe", un plan de prêts de 150 milliards d'euros récemment approuvé par l'UE pour stimuler le réarmement des 27. Il ouvre également la voie à la participation d'entreprises canadiennes à ce programme, même si cela nécessitera la signature d'un accord distinct.

RELATIONS MULTILATERALES ET AVENIR DU PDS

La signature du PDS s'inscrit dans un cadre plus large de prise de distance de l'Union européenne en matière de défense vis-à-vis des Etats-Unis, qui menacent de retirer leur soutien à l'OTAN. L'UE a déjà signé un accord de ce type avec le Royaume-Uni en mai et a entamé des négociations en vue d'un autre partenariat avec l'Australie.

Pour Ottawa, il s'agit également de la première étape vers l'accès au programme de prêt militaire de l'UE, baptisé SAFE (Security Action for Europe), dans le cadre de l'initiative ReArm Europe, pour l'acquisition de matériel de défense. Le Canada, qui a consacré 1,4% de son PIB à la défense en 2024, achète une grande partie de son équipement militaire aux Etats-Unis. Mais les relations américano-canadiennes se sont détériorées depuis l'élection de Donald Trump à la Maison Blanche, qui a demandé à plusieurs reprises que le Canada devienne le 51e Etat américain.

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen s'est engagée à "lancer rapidement des négociations" pour permettre au Canada de rejoindre le programme SAFE, afin que les deux parties puissent "définir les domaines dans lesquels [leur] coopération peut apporter le plus de valeur ajoutée et ceux dans lesquels [elles devraient] canaliser les investissements conjoints".

M. Lagassé a estimé qu'il était encore trop tôt pour pouvoir affirmer ce que le PDS va pouvoir apporter sur le long terme. "C'est facile de déclarer un partenariat. Mais c'est autre chose quand on commence à entrer dans les détails, à parler d'argent, à signer des contrats."

(Web editor: Ying Xie, Yishuang Liu)

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